A proximité
d’un ravin, une nuée de mouches sous le
regard amusé de hérons, bourdonne au
dessus d’un amas d’ordure au parfum
suffocant. Les dépotoirs sauvages d’ordure
comme celui là, ont
malheureusement foisonné ces dernières années à Abidjan. Ils sont un vrai mal de vivre pour les populations
de la capitale économique. En face, l’état qui sort d’un coma politique réagit comme il peut, en attendant une
solution durable.
Plusieurs
années dans le rétroviseur, les camions
des éboueurs avec leurs sirènes à vous arracher le cœur sillonnaient la ville
d’Abidjan dans son moindre recoin pour débarrasser
les ménages des ordures. De jour comme
de nuit, les éboueurs menaient une féroce traque aux ordures. Malheureusement depuis quelques années, tout
ça est devenu nostalgie. Pis, quelques
camions d’éboueurs qu’on entend encore, sont d’une rotation irrégulière. Conséquence, chaque ménage se débarrasse comme il peut de ses ordures. Soit dans la broussaille d’à côté, dans un
gouffre façonné par les eaux de
ruissellement, sur la voie publique…
bref, pourvu que les pelures de légumes, les restes d’aliment et autres détritus vomis par les ménages soient loin de vue. Inutile de rappeler les inconvénients sanitaires de ces dépotoirs d’ordures qui
pullulent ça et là en plein air. Tout le
monde le sait ; ce sont des tanks de
maladies. La gestion des ordures a
toujours donné du fil à retordre à tous
les gouvernements, malgré une volonté toujours affichée, de rendre Abidjan
aussi propre qu’une surface glacière. On
se rappelle encore cette image du feu président Robert Guéi pelletant lui et
ses hommes, des ordures en pleine gare routière d’Adjamé.
Devant
ces dépotoirs sauvages, l’état ivoirien bricole encore les solutions et peine à trouver la formule
juste pour évacuer sans discontinuer, les 4000 tonnes d’ordures produites
chaque jour par Abidjan. Collecter,
transporter et mettre en décharge. C’est
ainsi qu’ont toujours œuvré tous les
gouvernants. Un triptyque qui traine à son actif plusieurs palabres d’argent. Les camions des éboueurs au bout d’un certain
temps de rotation marquent le pas, pour facture impayée. Mais qui refuse donc de payer
la note ? Aller au bout de cette
question a toujours été un vrai casse
tête- ivoirien qui conduit à une véritable
passe d’armes entre le ministère en charge de la question, le district
d’Abidjan et les communes. Ensuite, il-y-a la grande décharge publique et officielle d’akouédo, tantôt qui ferme, lorsque le petit village dont
elle porte le nom ne perçoit pas la
contrepartie financière de la cohabitation et tout ce qui va avec comme projet
de développement. C’est une méthode
surannée qu’il incombe de vite passer.
En
juin 2011, la société camerounaise de traitement des ordures ménagères
inaugurait sa première centrale de captage de biogaz au dessus de la décharge
de Yaoundé. Cela permettra de capter des gaz à effet de serre monnayables sur le marché
des crédits carbones et à produire de l’électricité à la longue. Avec ce
type d’initiative, les ordures des ménages
deviennent une matière première génératrice de revenus et objet d’une
forte demande. C’est le cas actuel de la
Suède, confrontée à une grave pénurie d’ordures pour alimenter ses
incinérateurs qui produisent de la chaleur pour le chauffage et de
l’électricité. Avant la phase terminale de la crise militaire et politique, un projet de ce type conduit par l’Agence de développement des
énergies renouvelables en Côte d’Ivoire (ADERCI) était sur la table des
décideurs. Il ambitionnait produire du méthane à partir de la décharge
d’Akouédo et capter environ 522 329 tonnes de dioxyde de carbone (CO2) par an, échangeables
en coupure de banque sur le marché du crédit carbone. C’est vers ce type de
schéma qu’il faut à présent tendre. Car
avec lui, les ordures des ménages deviennent une matière organique
indispensable à la production de biogaz. Le président Alassane Ouattara annonce qu’il ambitionne faire de
la Côte D’ivoire à l’horizon 2020 un pays émergent. Convertir les
ordures en biogaz, ne sera qu’une plus-value énergétique qui permettra d’aller encore vite vers ce cap
de développement, en cette ère où le
pétrole fait du zèle. Espérons que
l’appel d’offre pour une gestion intégrée des ordures qui a fait gazouiller les médias pour semble t-il certains
biais, il y-a peu, soit enfin une solution durable à ces tas d’immondice qu’on côtoie
chaque jour. Un volet énergie renouvelable est bel bien présent dans le cahier
des charges du dit appel d’offre. Vivement
qu’on y arrive. Car « COLLECTER, TRANSPORTER, METTRE EN
DECHARGE » sans ambition de transformation, traduit une certaine cécité technologique antipathique
aux objectifs de développement fixés d’ici à 2020.
Momo Dia